Introduction et note d’intention du mémoire

Aspect technique de ce mémoire

Ce mémoire est distribué sous format numérique. Seul ce format me semblait juste par rapport à ma pratique, qui a viré il y a un an vers un fort questionnement des outils numériques que j’utilisais, ainsi que mes habitudes de navigation dans cet espace. Il m’a semblé aussi être le seul pour créer le format de publication que je juge juste pour le récit qui suit.

Disposition de l’outil de lecture

Cette forme est basée sur un outil de lecture que j’ai déjà présenté lors d’Open Source Open Course, aux Journées Portes Ouvertes à l’Erg. Je l’ai appelé “malas hierbas”, provenant de l’expression “Hierba mala no se muere” (Les mauvaises herbes ne meurent pas), et ai comparé son fonctionnement à une Hydre. L’expression est une métaphore pour dire que les mauvaises personnes seront toujours les dernères à rester. Chez moi, ces personnes sont plutôt des pensées.

En effet, à un moment de ce Master, j’ai vu ma recherche se défaire et s’effondrer devant moi, et je n’étais resté qu’avec des fragments de recherche. Par souci d’honnêteté et transparence du processus fissuré et brisé qui à fait naître ce document, je choisis de présenter mes écrits sous une forme fragmentée et un ordre aléatoire.

Cette disposition permet l’établissement de nouveaux récits et de nouvelles connexions à chaque lecture, et souligne le caractère momentané et non-révisé de l’écriture des différentes parties. Essayer de placer un ordre sur cet amas de crachats mentaux serait trahir leur nature, et ce serait là choisir une seule fiction, un certain mensonge, en prétendant qu’elle est la seule possible. Tant qu’il m’est impossible de donner à lire ce mémoire de façon totalement désordonnée (car toute lecture aura à un moment un aspect linéaire), autant laisser place et liberté à la multiplicité de récits qui peuvent en découler.

Lea lecteurice peut bouger les blocs de texte à travers la page pour aider la lecture, et dérouler (scroller) à l’intérieur. Quand un fragment est lu, iel peut passer au prochain ou cliquer sur ‘CLOSE’ pour enlever le fragment choisi. Ce bouton est aussi la seule façon de faire apparaître deux autres fragments de texte, qui ne va pas sans dire que l’écran se remplira progressivement. Une fois qu’il n’y a plus de nouveaux fragments à faire apparaître, ce même bouton ne servira qu’à fermer le fragment actuel. À la fin du parcours, quand tous les fragments auront été visités, lea lecteurice obtiendra un rendu de son cheminement sous forme linéaire qui peut être imprimé, pour permettre une prise de notes plus facile. Cela dit, ce n'est pas là l'idée de cette forme, et je vous déconseille de compter dessus.

Ce choix de contrainte de lecture ne vient pas du vide. Il est explicitement choisi pour empêcher lea lecteurice de revenir en arrière, trahissant ma façon d’écrire, qui consiste souvent à déposer les mots sur la page et les oublier à moitié dès que le texte est achevé. Cette lecture restera ainsi une expérience et une impression, plutôt qu’un récit réfléchi et retravaillé pour créer un sens strict (ce que, le lecteur l’aura compris, je vois comme trahison à la façon dont il est produit).

Le fait de faire apparaître plutôt deux nouveaux fragments qu’un à la fermeture d’un autre, lui, produit un effet d’accumulation textuelle sur l’écran. Progressivement, plus il y a à lire, moins on a de la place pour de nouvelles pensées.

Ce fonctionement permet ces deux affirmations:

Requis pour la lecture

Pour que la lecture se fasse de la façon envisagée, il faut:

Le site enregistrera (uniquement sur l’ordinateur du/de la lecteurice et non pas dans le cloud) l’enchaînement des fragments pour permettre de ne pas perdre le progrès de lecture. Pour réinitialiser ce progrès, lea lecteurice pourra appuyer sur le bouton ‘Réinitialiser’ qui effacera l’historique de lecture.

Il n'y a pas moyen de revenir en arrière une fois qu'un fragment est fermé. Il n'y a pas non plus moyen d'afficher de nouveaux fragments sans en fermer d'autres.

Positionnement par les moyens

(langage technique) Il est regrettable mais nécessaire que j’utilise du JavaScript pour cette dispositon. J’ai toutefois choisi d’utiliser du JavaScript pur et sans librairies de code additionnelles, qui seraient inutilement lourdes à charger. J’ai donc répliqué certaines fonctionnalités de jQueryUI en JavaScript pur, dans l’esprit de sobriété numérique et d’utiliser l’outil le plus simple possible.

Le code à l’origine de ce mémoire sera mis à disposition sur mon compte GitLab dès que possible, pour permettre un accès libre aux savoirs et aux outils. Je tiens à qualifier le logiciel de logiciel libre, et non pas open-source, ce dernier terme étant utilisé trop souvent dans une optique de startup, commerce, et technosolutionniste. Je ne suis pas techno-solutionniste, ni technophobe, mais j’essaie d’utiliser le numérique uniquement pour des raisons que je juge légitimes.

Positionnement sur la recherche et les écrits

[[08-12-2023]]

Je regarde souvent mes créations passées. C’est moins un air de nostalgie que d’envie et de jalousie qui m’y emmène, je sais très bien ce que je vais y trouver. Je créais beaucoup plus de choses, aussi petites soient-elles. Je les créais parce qu’il y avait une faim, un besoin qu’elles existent pour enfin pouvoir se reposer. C’est toujours le cas, mais je ne crée plus autant. Je n’ai jamais pu élaborer un style, une esthétique ou pâte graphique, je n’ai pas de trait, pas de pratique. C’est bien pour cela que j’ai entrepris le Master, l’épreuve finale avant de me jeter dans le monde des travailleurs, celle qui durcirera la confiance de pouvoir enfin s’attarder sur quelque chose, rythmer, creuser, au plus profond. Marteler son ciseau jusqu’à ce que son bout soit aplati, ou jusqu’à voir dans le monolithe qu’on a entamé les formes désirées de son récit. Jack of all trades, master of none.

C’est avec cette recherche singulière, focalisée, triangulée maintes fois, mesurée au niveau, que j’ai jeté la pioche. Un rocher de cette taille, il faut s’y attaquer avec une idée et un plan, non pas un coup de tête. Donc avant toute chose, avant tout coup porté, j’envisageais les possibilités. Un éclat à gauche, un pli à droite, le risque de briser bien plus profondément la matière qu’elle ne l’est déjà et d’en perdre la moitié, la sédimentation, et surtout, par principe et par seul principe et par plus grand principe, savoir d’où je travaillais. A force de recomposer les plans afin que mon terrain ne s’effondre pas, c’est là le ciel qui m’est tombé sur la tête. Vercingétorix avait les bonnes priorités.

Qu-entend-t-on par recherche? Quelle est la pratique d’un artiste? C’est quoi ton sujet? Tu travailles sur quoi, là, en ce moment? Voire pire, tu travailles quoi, là, en ce moment? Ces mots sonnent particuliers, singuliers, non-obstrués par les multiples échos d’informations diverses, des craquement des papiers à bonbons de mille et une marques. Comment le font-ils? Se concentrer, se focaliser, ne pas s’éparpiller, avoir un objectif, bien cibler. Je ne me rappelle déjà pas ce que j’ai dîné la veille, comment alors continuer une recherche sur deux ans? Pas besoin de scruter le fond de l’abysse pour se sentir scruté à son tour, placer son regard sur une seule chose, quelle qu’elle soit, me suffit. Mille rochers ne pourront faire comme une seule pétale de fleur, qui m’écrasera aussitôt.

Je ne suis ni multi-instrumentaliste, ni pluridisciplinaire, ni média-mixte. Je suis comme tout le monde, éparpillé sur divers intérêts. C’est quoi, une recherche? Pour moi, c’est trouver parmi le désordre devant mes yeux non pas une pièce à étudier, mais un chemin par lequel passer. Ma recherche sur le graphisme anarchiste m’a fait perdre, au moins pendant un temps certain, ma foi et mon implication dans cette nébuleuse politique, autant que ma pratique de graphiste. Je n’arrive plus à concevoir ou étudier l’image, par perte de priorité. Je travaille donc autre chose. Quoi? Tout ce qui n’est pas l’image, simplement, est un potentiel d’émancipation de ce trou. Voilà peut-être la question qui gouverne ces sept-cent trente jours d’application dans l’école d’art: Comment s’émanciper?

On se doit d’imaginer une recherche qui n’en est pas une. Pas une recherche, mais une infinité de trouvailles. Il n’y a pas de sujet qui soit intéressant plus que tout. Tout sujet se vaut donc, tous méritent d’être explorés. Il n’y a pas de temporalité qui en vaille plus qu’une autre, du moins si on cherche à s’émanciper de la logique productiviste, et du monument de l’efficacité. Toute temporalité apporte donc ses bénéfices. La somme de ces deux équations est de se laisser être ennuyé par un sujet à tout moment où il nous arrive. Le mémoire perdrait alors son sens imagé pour gagner son sens étymologique: la question à se poser n’étant pas qu’est-ce qui m’intéresse mais “Qu’est-ce que j’ai foutu?”

[[10-04-2024]]

Un peu de sérieux: Je souhaiterais préciser une chose sur les mots qui suivent et le ton que je prends. Ce texte est un récit, quoique d’une narration étrange, de mes expériences personnelles face à ces deux ans. J’utilise tantôt l’hyperbole, tantôt le cynisme et l’humour pour exprimer ce qui est non pas un positionnement et un avis définitif ni sur l’anarchisme et ses communautés et pratiques ni sur le graphisme, les graphistes, ou quiconque qui pratiquerait l’image, mais ce qui en est des sentiments et pensées qui m’ont traversé l’esprit pendant ces deux ans.

L’anarchisme reste pour moi le mirogled (regard sur le monde) le plus juste et honnête, et quoi que j’en dise dans les fragments, il reste en moi. C’est précisément parce qu’il m’est aussi cher qu’il est aussi source et objet de doutes. Il n’y a que doute sur ce qu’on pense encore envisageable. Les mouvements radicaux, quant à eux, sont parmi les seuls arrangements politiques que je souhaite fréquenter, et malgré un degré de dissensus avec leurs membres par moments, me procurent une foi en le futur et en l’humanité. Une misanthropie ne serait que la traduction du fait que je me sens supérieur aux autres.

La pratique graphiste et la création visuelle, quant à elles, font toujours partie de ma pratique, et sont des intérêts majeurs dans ma vie. Malgré leur utilisation mauvaise et néfaste dans la publicité, et ma critique du graphisme dans les milieux anarchistes, je suis profondément convaincu qu’il existe une pratique graphique libérée et une pratique de libération par le graphisme.

[[26-03-2024]]

Voici le récit de ce que j’ai foutu, en désordre, en requestionnement, avec son pourquoi et parfois son comment. Voici le récit de deux ans de chaos mental, dont je souhaite m’émanciper au moment de la remise.

Chronologie de la situation

Pour entamer la lecture, voici un résumé bref de moments clés de ma vie qui auraient potentiellement conduit à ce Master et au point où j’en suis. Cette chronologie servirait à situer moi et cette écriture de façon plus précise, histoire de dire que l’intérêt pour les sujets abordés n’est vraiment pas tombé du ciel.

Accéder à la page mémoire.

La lecture est estimée à 2h30.